Weekend de navigation créatif – septembre 2024

Weekend de navigation créatif – septembre 2024

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Le weekend du 28-29 septembre, Élisabeth, Stéphane et Georges proposaient un weekend de navigation récréative et créative. Un joli projet né lors des Rencontres CK/mer 2023 :

« Et si la randonnée en kayak était inspiratrice et créatrice ? Il s’agirait d’organiser une navigation qui permettrait d’atteindre une île inspiratrice (pourquoi pas les Heaux de Bréhat, puisque cette idée est venue d’une visite de cet endroit, lors des rencontres d’août 2023). Les participants accepteraient de s’y établir un temps, avec un projet de création. Il pourrait s’agir d’y dessiner, d’y écrire, de photographier, ou d’y faire un montage vidéo. Peu importe le support et la forme. Chacun viendrait avec sa compétence, son envie. Mais, il ne s’agit pas de cours. L’idée serait de s’imprégner de l’esprit des lieux et de le restituer par le biais d’une technique souhaitée. Au lieu du compte-rendu habituel, nous pourrions proposer de témoigner de la sortie en « exposant » les productions de chacun, pour ceux qui le souhaitent (sans aucune obligation, bien entendu). Une sorte de « carnet » de voyage. »

Photo en kayak - Balade sur la Rance 2024 - Karine L.
Photo Karine L.

La météo s’affole cette semaine, il faut revoir la copie de la destination, cap sur la Rance maritime à l’abri des embruns, à l’assaut des vasières de marée basse. Deux jours pour saisir l’ambiance du lieu, depuis le barrage de la Rance jusqu’à l’écluse du Châtelier. Samedi matin, à Quelmer, des « souvenirs du grand large » font les beaux devant les objectifs, des bords de rance se cachent sous le soleil derrière un rempart de vase, au Minihic sur Rance des bateaux échoués reprennent vie avec la marée, à Saint-Suliac c’est marée humaine endimanchée pour accompagner les mariés sur le quai d’embarquement, ce soir, à la passagère, c’est bain de soleil. Dimanche matin à Plouer sur Rance, c’est ciel gris, des voiles régatent, le petit frère du barrage déploie sa roue au moulin du Prat, des châteaux de bande dessinée surgissent au loin, la rance serpente et rétrécit, des oiseaux se regroupent sur des vasières, des cabanes de pêcheurs se désolent à marée basse, une drôle d’échappée belle nous mène à Dinan. Pendant ce temps, des artistes en herbe déploient leur art, qui la photo, l’écriture, le croquis ou tout simplement « son truc ». Mais point de « truc » pour rejoindre la rance maritime sans passer l’écluse. La rance fut un havre de paix, juste un ciel noir pour nous accueillir sur le parking des au revoir.
L’atelier photo de Georges nous à tous séduit et intrigué. Hâte de voir le résultat au développement.
Les livres seront disponibles au prochain salon littéraire. Lol. En attendant, un petit pêle-mêle de croquis.


Dans les tréfonds vaseux de la Rance maritime, tandis que la marée créée artificiellement baissait incontestablement et que les premiers carrelets apparaissaient, la discussion s’engageait d’un kayak à l’autre sur la différence entre les notions géographiques d’« estuaire » et de « ria ». Comment en est-on arrivé là ?

C’est très simple : il suffit de mauvaises conditions météos au large. Comment alors dessiner, peindre, écrire au vent mauvais et sous la pluie ? Ainsi du projet d’aborder les Heaux de Bréhat, nous sommes passés à l’idée d’arpenter Bréhat, puis de descendre la Rance. Après tout, ce bras de mer (nous n’avons toujours pas réglé la question de la différence entre estuaire et ria) offre bien des opportunités pour l’inspiration volatile. Car cette sortie CK/mer était destiné à un week-end qui mêlerait navigation et « création ». Comme c’était une première, il n’était pas si évident de prévoir la manière dont cela allait se passer, d’autant plus que l’acceptation du terme « création » était assez large, comprenant dessin, peinture, écriture, photo, vidéo… Il était en particulier difficile de prévoir la durée des arrêts. Quel temps accorder à la navigation, quel autre à la création ? Cela dépendrait aussi de la pluie, du vent et du froid… Et nous voilà arpentant le cimetière marin de Quelmer, qui recouvert d’une grande cape claquant au vent, qui abrité sous une coque ou sous des arbustes. A chaque arrêt, les kayakistes s’égayaient à la lisière de la vase et des rochers choisissant un angle, un sujet, à moins qu’il ne s’agisse d’un abri. Finalement, nous avons eu de la chance : la pluie ne s’est pas trop manifestée.


Les photos de Karine L.


Dans ces conditions, il est difficile de prévoir un plan de navigation précis. Nous avons expérimenté, nous nous sommes laissés aller. Le premier jour, de Quelner nous avons atteint Minihic et de-là Saint-Suliac. Puis le retour. Peu de kilomètres pour trouver la formule adéquate. Le lendemain, c’est la distance qui est devenue privilégiée. Embarquant à Plouër, nous nous sommes retrouvés à Dinan : l’écluse était ouverte. Il a fallu attendre 17h30 pour repasser dans l’autre sens. Autant dire que nous avons débarqué pratiquement à la nuit.

Photo en kayak - Balade sur la Rance 2024 - Karine L.
Photo Karine L.

Au total ? Ce n’est pas si évident de tenir un tel projet… Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark… En fait, on ne s’est pas assez rendu-compte de l’importance du facteur « temps ». Non seulement, il en faut pour se consacrer à une « création », mais la durée nécessaire n’est pas la même selon l’option choisie. Si prendre une photo peut être assez rapide, dessiner en demande davantage. Plus encore, ce format des deux jours n’est, en définitive, pas adapté à l’écriture. Alors, certes, nous nous sommes adonnés à la pratique du Land Art, dans l’écluse : revêtir son kayak d’une mousse odorante et écumante est une expérience inédite, digne du surréalisme (souhait inconscient du kayakiste d’approcher la sensation de voler au sein de nuages d’écumes : « comme un avion sans aile » ?). Mais ça reste insuffisant comme pratique. On atteint sans doute la limite des possibilités. Pour ma part, je crois qu’il faut dissocier : soit on navigue, soit on écrit, soit on dessine. Il est compliqué de tenir les deux bouts sur deux jours. Ou bien il convient de le faire sur une durée plus longue.


Les photos de Stéphane L.


Ne restons pas, néanmoins, sur cette note pessimiste. Georges nous avait préparé des boitiers de vieux appareils pour en faire des sténopés. En les utilisant, nous remontions le temps jusqu’à l’origine de la photographie. Penser l’angle, ouvrir l’objectif, compter les secondes dans sa tête. Il faudra du temps pour découvrir le résultat. Toujours une question de temps décidément… Et là est sans doute la clef : le temps. L’important était sans doute de recueillir sur le moment une moisson de données brutes éparses pour en tirer un matériau plus soigné ensuite. Écrire des notes pour les développer, traduire des images en linogravures, prendre ses marques pour créer une vidéo… Du temps également pour entrer dans une atmosphère : la Rance a un charme particulier qu’il faut arriver à saisir.

Photo Stéphane L.

Quelques-uns des sténopés réalisés

Sur une idée originale de Georges, les sténopés ont été réalisés pendant la balade, puis développés ensuite par Georges


Sur un promontoire en surplomb de Saint-Suliac, les Terre-neuvas ont érigé, en 1894, une statue à la Vierge en remerciement d’une campagne de pêche exempt de victimes. Tous étaient revenus. En août 2019, cette dernière a basculé dans le vide. On pourrait imaginer qu’elle est ainsi retournée à la mer, origine de sa fonction. Serait-ce le résultat d’un coup de vent ? Comme on l’a retrouvé intacte au pied de la falaise, certains en doutent. Cinq ans plus tard, des mariés saluent leurs familles et leurs invités sur la digue du port. Ils montent sur un zodiaque que l’on perd rapidement de vue. On apprendra plus tard que l’épouse dans sa robe immaculée a basculé dans l’eau. Son corps a été découvert à l’aplomb de l’oratoire de Notre-Dame de Grainfollet. Coïncidence ? C’est l’intrigue du polar de Camilla-Florencia Dartyge et d’Åsa-Fabienna Vacher.

Photo Stéphane L.

Commentaire sur « “Weekend de navigation créatif – septembre 2024” »

  1. Avatar de GILBERT Frédéric
    GILBERT Frédéric

    Merci pour ce compte rendu sympathique et très éclairant sur cette intention généreuse de « courir deux courants en même temps  » ! Naviguer et créer (dont le spectre large, en effet). Il faut en effet donner du temps à la création et c’est bien compliqué avec les contraintes de marées. Belle alternative le Land’Art éphémère !
    Ainsi, mes expériences de ce type n’ont fonctionné que lors d’itinérances sur plusieurs jours avec des navigation intégrant un timing de pauses dédiées, ou, plus efficace encore (seulement l’été), en profitant du site du bivouac. Et ce fût toujours plus compliqué en Atlantique que sur lors des itinérances réalisées sur la Méditerranée ou l’Adriatique évidement.
    A retenter en tout cas !

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