Géographie du Bassin d’Arcachon - par Frédéric Gilbert

Frédéric Gilbert est un passionné de kayak, de nature et de voyage. Auteur de La simplicité du kayak, du guide La côte aquitaine en kayak de mer, il fut également chargé de mission au parc naturel régional des Landes de Gascogne, et initiateur des Rencontres itinérance nature.

Lors du weekend de l’Assemblée Générale de CK/Mer de novembre, il nous a distillé sa connaissance au fil des différentes navigations dans le secteur du Bassin d’Arcachon, au briefing avec des illustrations dessinées dans le sable, sur l’eau avec lecture du paysage. Passionnant.

Pour CK/mer et pour tous ceux qui auront envie de découvrir ce secteur, il a la gentillesse de partager ici ces éléments de compréhension de ce paysage singulier. Merci Fred !

CK/mer en Assemblée Générale en Gironde (1-3 novembre 2024)

Loin des côtes rocheuses, une occasion pour ses adhérents de naviguer sur les eaux salées du bassin d’Arcachon, sur les eaux douces des grands lacs ou sur les eaux saumâtres de l’estuaire de la Gironde ! Un peu de recul et de hauteur pour mieux comprendre ce secteur de l’Aquitaine !

Une façade Atlantique en mouvement

Si le grand courant Golf Stream, orienté Sud Nord, passe au large de la pointe Finistère, il est aisé de comprendre qu’un grand contre-courant orienté dans un arc nord-sud descend le long de la façade Atlantique jusqu’en Espagne (Dessin 1).

Ainsi les masses de sable arrachées régulièrement au littoral forment, sur la côte Aquitaine, la succession des fameuses baïnes. Une partie du sable, toujours en mouvement, s’accumule à la pointe du Cap Ferret pour former une « goutte » dont la masse se détache environ tous les 50 ans et se met en mouvement vers le sud en travers des passes du bassin. Ce sable est à l’origine des bancs du Chien, du Toulinguet, d’Arguin (soumis aux vents, marées et tempêtes) et alimente partiellement la dune du Pilat. (Dessin 2). Une autre partie du sable continue de descendre vers le sud jusqu’à se perd dans le Gouff de Capbreton.).

Dessin 1 – Courants de la façade atlantique

Sables et dunes, à l’origine des lacs et étangs

Au sud du Massif armoricain, à l’ouest du Massif central et au nord la chaine des Pyrénées se situe une grande dépression géologique qui s’étend jusqu’à la façade océanique.
La partie la plus basse en altitude forme le grand Bassin aquitain. Depuis plus 30 000 ans, celui-ci est traversé d’Est en Ouest par les eaux pluviales descendant essentiellement du Massif central jusqu’à atteindre l’océan (Dessin 3).

Dessin 3 – Carte géologique de l’Aquitaine

Vers -18 000 ans, règne sur la France un climat froid avec une température moyenne de l’ordre de +5°C. A cette époque, le niveau de l’océan est à –120 mètres par rapport au niveau actuel et laisse place à de vastes étendues sableuses exposées à l’influence des vents dominants d’Ouest et des conditions climatiques périglaciaires (faible couverture végétale). Les sables se trouvent entraînés vers l’Est et épandus sur le plateau. C’est l’origine du Sable des Landes, cette couverture sableuse d’origine fluvio-éolienne qui s’étend jusqu’à 100 km à l’intérieur des terres !
Au cours de ces temps géologiques Garonne et Adour deviennent les réceptacles principaux des eaux des massifs et de nombreux fleuves côtiers se forment dans le plateau sableux, en coulant vers l’ouest. A la transgression Holocène, le réchauffement climatique entraîne une fonte des grandes calottes glaciaires et, parallèlement, une remontée du niveau de la mer de -120 m jusqu’au niveau actuel.

Sur le rivage, les sédiments, soumis à l’influence des vagues et de la houle se trouvent repoussés vers l’intérieur des terres, mais sont ralentis par le couvert végétal : le cordon dunaire se met en place.

Peu à peu ce bourrelet sableux obstrue l’embouchure des nombreux fleuves côtiers vers l’Océan et l’écoulement des nappes superficielles, générant des inondations dans les vallées proches et dans les dépressions « arrière dunaires » (Dessin 4).

C’est à cette époque que débute la formation des plans d’eau actuels :

les grands lacs médocains au nord (reliés par un canal, orienté Nord Sud, jusqu’au courant de Lège, permettant aux eaux pluviales de s’évacuer vers le bassin)
les nombreux étangs landais au sud (reliés par un canal jusqu’au courant de Mimizan permettant aux eaux pluviales de s’évacuer vers l’océan)
(Dessin 5)

Quelques petits fleuves côtiers (du sud des landes) ont toutefois réussi à se frayer un chemin pour atteindre l’océan (dont le courant de Soustons et de Huchet) !

Le Bassin, une exception

Le bassin d’Arcachon a vu son ouvert évolué avec le temps (Dessin 6).
Mais il ne s’est jamais fermé, malgré l’apparition du cap Ferret et son orientation vers le sud.
L’apport d’eaux douces de la part des fleuves côtiers (Courant de Lège et surtout La Leyre ) est une des raisons du maintien de cette ouverture ainsi que les 400 000 m3 d’eau qui entrent et sortent à chaque marée dans les passes !
Le bassin et son ouvert est désormais un Parc naturel marin. Et le banc d’Arguin est une Réserve naturelle nationale !