Assemblée Générale CK/mer 2024 – Bassin d’Arcachon – 1-3 Novembre 2024

Les AG passent et ne se ressemblent pas. Pour celle-ci, il n’y a eu ni tempête ni côte granitique…. Du sable seulement, de vastes étendues de sable, et un généreux soleil méridional. CK/mer a fait le pari cette année de décentraliser son Assemblée Générale en Gironde. Choisir de quitter le giron originel, c’était tout de même assez risqué. S’en suivaient bon nombre de questions : est-ce qu’il y aurait du monde ? Les Bretons suivraient-ils ? Le cidre risquait-il de tourner et que deviendraient les kayaks une fois passés la Loire ? Il me semble que le pari a été gagné. Pour quelles raisons ?

Tout d’abord, parce que nous avons été chaleureusement accueillis par les kayakistes locaux des clubs de Mérignac, Arcachon, Audenge et Andernos. Ensuite parce que, même si nous avons été moins nombreux que d’habitude, pas mal de Bretons ont répondu à l’appel. Enfin parce que toutes les conditions (météo, hébergement, parcours de navigations, rencontres…) ont été réunies pour que cette édition reste dans les mémoires des participants.

Marie-Ange, Isabelle et Fred nous ont, en effet, proposé de belles navigations. Le premier jour, nous sommes partis de la plage de la chapelle de la villa Algérienne, à l’Herbe, sur la presqu’île du Cap Ferret. De là, nous avons navigué en droite ligne jusqu’à l’île aux oiseaux. En en faisant le tour dans le sens horaire, nous avons découvert les emblématiques cabanes Tchanquées. Nous nous sommes ensuite faufilés dans une passe de plus en plus étroite pour atteindre le quartier Afrique aux élégantes cabanes. Au retour, nous avons filé jusqu’au Piquey (le grand ou le petit ?) et nous avons longé la côte de la presqu’île bordée de maisons plus somptueuses les unes que les autres (l’effet « Petits mouchoirs » semble-t-il).

Le deuxième jour, il était question d’aller voir de plus près le fameux banc d’Arguin. Rendez-vous était donné à la plage des Américains, un peu plus au sud sur la presqu’île du Cap. Comme la veille, le temps était splendide. Au loin la dune du Pilat nous faisait de l’œil. Les échanges se sont poursuivis d’un kayak à l’autre pendant la traversée. Au nord du banc d’Arguin, nous avons emprunté le chenal central entre bancs du Toulinguet à l’ouest et d’Arguin à l’est. En contournant le deuxième par le sud, nous nous sommes posés dans une conche au sud-est, face au Petit Nice. Si on m’avait dit que je pique-niquerai sur un banc de sable, au soleil, en ce début du mois de novembre… Il faisait presque trop chaud. Le groupe s’est ensuite scindé en deux parties. Les premiers sont allés jouer dans la barre, à l’entrée du bassin. Le second s’est plutôt adonné à la contemplation, subjugué par la dune du Pilat d’abord, et par l’anse du Mimbeau ensuite.

Le dimanche, la troisième navigation changeait de décors, en s’intéressant au lac de Lacanau quand un petit groupe s’est, lui, aventuré jusqu’au phare de Cordouan. Mais j’étais alors déjà parti…

On ne le dira jamais assez : CK/mer, c’est avant tout la richesse des rencontres. Les accents changent, les références peuvent différer, l’esprit reste le même. L’association rassemble des individualités bien trempées, souvent singulières, avec des parcours qui peuvent être étonnants. On découvre, on découvre… CK/mer, c’est aussi le partage des connaissances : des connaissances techniques certes, mais aussi celles sur le milieu, la faune, la flore, la géologie, l’histoire…. Il est difficile d’envisager des kayakistes de mer, passionnées, qui ne seraient pas sensibles au contexte dans lequel ils évoluent. Dans ce cadre, je crois que chacun a apprécié l’intervention de Fred qui nous a expliqué, schémas à l’appui dans le sable, la constitution du bassin. Nous avons eu ainsi cette potentialité de pouvoir naviguer conscients de la particularité du paysage qui nous entourait. Dans quelques cas, la navigation en kayak s’apparente à une machine à remonter le temps. Et cela à plusieurs titres.

Respectueux de l’histoire autant que de la géographie, les organisateurs de nos navigations ont scrupuleusement respecté la chronologie dans l’ordre de départ de nos embarquements. Il ne faudrait quand même pas mettre la charrue avant les bœufs. La chapelle Sainte-Marie-du-Cap, premier rendez-vous, témoigne d’un temps où l’endroit était encore sauvage. Léon Lescat, entrepreneur de travaux publics participant à la construction du port d’Alger, a acheté en 1863 une grande propriété de plusieurs centaines d’hectares entre le Boque et Claouey (là où on avance au pas en voiture les fins d’après-midi). Il y fait construire une villa mauresque aujourd’hui disparue dont il ne reste plus que la fameuse chapelle. Le lendemain nous partions de la plage des Américains. De l’installation d’une douzaine d’hydravions et de trois cents militaires américains en ces lieux à partir de janvier 1918 pour lutter contre les sous-marins allemands, il ne reste plus que le toponyme.

Il y a longtemps que je n’étais pas revenu sur le bassin. Je n’avais jamais eu encore la chance de pouvoir y naviguer. J’ai pu me rendre compte de l’évolution de la fréquentation, de la densité des constructions. Comme on peut le lire un peu partout, le Cap Ferret devient le Saint-Tropez de l’Atlantique… Tout cela est très récent. Pascal Bataille et Christian Moguérou, dans leur « Guide de survie au Cap Ferret », rappellent que Jean Cocteau, alors qu’il passait ses étés au Piquey, écrivait à sa mère en 1921 que « deux familles bordelaises d’une vulgarité atroce et une solitaire Ophélie oxygénée composent toute la population de cette rive déserte ». Quand on envisage que la péninsule du Cap ne peut être qu’en perpétuelle évolution, en raison du travail d’érosion éolien et marin, et qu’elle est en première ligne dans les territoires voués à la submersion, on ne peut qu’être pantois devant la vanité du prix des terrains, du nombre de constructions et de l’entêtement à l’équiper d’infrastructures touristiques.

Les temps se confondent ainsi et s’enchevêtrent. En naviguant, nous disposons de quelques fenêtres de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui sera. Nous devenons navigateurs d’un paysage, de paysages en perpétuel mouvement. Mais, mais… Pascal Obispo et Guillaume Canet dans tout ça ? Un enfer surfréquenté qui les saoule…

Ce texte a été publié initialement par Stéphane sur la page Facebook de Kayak Rando CNB Bouchemaine.