Article paru dans le bulletin n° 105, p. 10 à 13.
Depuis 2006, le CNT a fusionné avec le CNL pour formé le CNPLM (Centre Nautique Paimpol Loguivy de la Mer) 02 96 20 92 80 http://www.pole-nautique-paimpol.com/
par Louis Le Bégat
Avant la randonnée, c’est déjà la randonnée.
Dès vendredi soir à Coz Castel, en l’aimable présence de Guy Lecointre et Véronique Olivier, avec François Lagrange et Yves Guilbaud, et aussi André-Pierre De Craan, qui profite d’être en vacances à Kerloury pour se joindre à nous, s’est tenue une 1ère réunion de préparation, document mis au point par Guy à l’appui. Il s’est déjà révélé que la liste précise des participants n’était pas encore arrêtée.
Hier soir, nous savions que Roger Le Brech serait des nôtres, comme nous le savions déjà pour Jean-Yves Leven.
Ce matin Odile Fenard,
dont nous savions qu’elle souhaitait aussi en être, contactée au
téléphone avant qu’Yves et moi partions faire les courses pour le
groupe, nous a appris qu’elle les avait déjà faites pour elle-même :
nous les avons donc faites pour 6.
Lundi 23 août 2004, 838ème jour, terrain de camping de Primel-Trégastel
Coef. 57. PM : 11h31 ; BM : 18h00.
A 9h, heure prescrite, nous étions tous à Coz Castel : sauf Jean-Yves, dont nous savions déjà que, sur la route de son retour de Corse, il nous rejoindrait directement à Roscoff. Joint par Yves dès son arrivée au CNT, nous avons appris que Jean-Yves se trouvait à ce moment-là à Montargis, et que donc il n’escomptait pas être à Roscoff avant 17h.
Une telle nouvelle n’a rien fait pour accélérer les préparatifs. Odile est allée avec Yves chercher son kayak chez lui, où, au départ, nous avions prévu de le prendre au passage. François s’est souvenu qu’il n’avait pas acheté à manger à ses canards. A force d’allées et venues, de conciliabules pour occuper le temps, enfin tous à nouveau réunis nous avons décidé que nous pouvions très bien faire le 1er pique-nique de midi à Coz Castel avant de prendre la route.
Avant l’arrivée de Jean -Yves, à Roscoff nous avons préparé les kayaks pour toute la randonnée, y compris le sien. Il était là pour le portage ; la mise à l’eau s’est faite juste à la renverse de basse mer à 18h.
Elle s’est faite avec
circonspection : la météo annonçait des vents –heureusement de SO- de
force 4 à 5, avec des rafales à force 6, et il suffisait de lever les
yeux pour voir les grains se présenter les uns derrière les autres.
Bien sûr, dès que nous nous sommes trouvés à la pointe de Bloscon à nos
premiers coups de pagaie, nous voyions l’autre côté de la baie de
Morlaix. Pour mieux apprécier la situation, Yves a fait mettre le cap
sur la tourelle de Menk, d’où nous sommes allés chercher l’abri des
rochers des Bizeyer. Nous avons constaté que l’addition de la montante
et du vigoureux vent de SO, qui nous faisait certes dériver vers le
Nord, nous faisait aussi bien avancer et avons en conséquence décidé,
qu’au lieu d’aller tout de suite, soit au bout d’à peine une demi-heure
de navigation, nous poser à l’Ile Callot, il était mieux, en
recherchant les abris de l’Ile Verte et des rochers de la réserve
ornithologique, abris substantiels à la marée basse, de traverser tout
de suite la baie.
Avec la montante et le vent dans le dos, nous sommes arrivés à toute vitesse en face du Diben. C’est là qu’Odile a proposé que, tant que nous y étions, nous doublions la pointe de Primel, qui pourrait se révéler un obstacle difficile à franchir le lendemain si le vent virait à l’Ouest, comme annoncé.
Cette pointe de Primel pousse vers le Nord une langue de terre très effilée. Par la mer se dresse devant soi une haute masse rocheuse d’une cinquantaine de mètres d’élévation. A marée basse, il faut s’avancer vers le Nord pour se faufiler entre les nombreuses roches qui émergent, et l’entrée dans l’anse de Primel se fait en laissant sur sa droite une peu engageante plate-forme d’abrasion développée sur une importante superficie.
Roscoff : 18h20 2 h de navigation
Primel : 20h20 env. 8 milles parcourus
Mardi 24 août 2004, 839ème jour, Loquirec
Coef.52/47. PM : 12h33 ; BM : 19h05
Entendre toute la nuit la pluie crépiter sur le double toit de la tente est d’autant plus dur qu’on sait que la marée n’attendra pas, qu’il faudra se lever de toute façon.
Yves et François
avaient installé le petit-déjeuner sous l’auvent des sanitaires du
camping, à l’abri de la pluie qui tombait toujours ce matin. Un répit
entre deux averses nous a au moins permis de tout remettre sans dommage
dans les kayaks. Si l’agréable terrain de camping municipal de Primel
présente l’avantage d’être immédiatement au bord de la mer, escalader
dans les deux sens hier soir et ce matin le superbe cordon de galets de
granit qui garnit le fond de l’anse représente un effort de portage qui
prend du temps et de l’énergie.
Un vent, toujours de SO (force 5), nous a poussé, à la mi-marée montante, de Primel à Loquirec, en 2 heures trois-quarts, pour arriver à destination à midi et demi, soit exactement à l’étale de haute mer. Le balancement de la houle le long de cette côte sans îles avait creusé la mer plus fortement que la veille et sous les rafales, la progression était rapide, à défaut d’être toujours confortable.
Au-delà des clochers de Plougasnou et Saint Jean-du-Doigt -le saint patron des gynécologues, selon Odile-, la côte se fait haute falaise sans échancrure bordant un plateau massif sans habitations face au Nord. Puis, à Beg an Fry, elle s’incurve vers le SE : il y a là une belle promenade à pied le long de la falaise de Guimaëc, qu’on peut agréablement mener jusqu’à Poul Rodou, où se situe le café librairie Caplan and Co.
Franchi le dernier obstacle de la pointe de Loquirec, nous décidions d’y chercher un endroit où nous poser, et c’est à l’embouchure du Douron, face aux thermes gallo-romains du Hogolo, que nous l’avons trouvé, au terrain de foot municipal établi dans les dunes à ras de l’eau.
Le bourg de Loquirec,
station balnéaire de caractère à la gracieuse architecture de schistes,
dont les séries redressées à la verticale présentent un cheminement
coloré le long de la grève, nous a offert une après-midi bienvenue de
promenade dans des rues resserrées autour du port, avec un choix de
terrasses de café où s’installer, discuter de la navigation du jour et
de celles des jours à venir.
Primel : 9h45 2h3/4 de navigation
Loquirec : 12h30 env. 8 milles parcourus
Mercredi 25 août 2004, 840ème jour, Ile Morvil
Coef.44/43. PM : 14h03 ; BM : 20h36
Se faire réveiller par
la pluie au lever du jour n’est décidément pas la sensation que je
préfère en bivouac. Il fallait pourtant bien partir avec la marée
montante, le plus tôt possible après la renverse pour en profiter
pleinement.
Le vent était toujours au SO (force 5) quand nous nous sommes extraits
de Loquirec, après avoir méandré parmi ses sables avec le Douron vers
la tourelle de la Roche Rouge puis en direction du port, avant de nous
diriger sur le mouillage qu’abrite la pointe de Loquirec des vents
d’Ouest, pour nous placer face à notre objectif de la journée, et non
sans que Jean-Yves, sans que rien ne l’annonce, se retrouve à l’envers
pour un bain matinal.
La combinaison de la
montante et du vent toujours au SO nous a fait prendre la décision de
mettre le cap sur l’Ile Milliau droit devant nous, en traversant au
large la baie de Lannion au plus court. Une mer creusée par une houle
bien formée qui se dévalait de crête en creux en un balancement
régulier nous a fait avancer à bonne allure rythmée par les conseils
généreusement prodigués par Odile à Jean-Yves et André-Pierre, les plus
novices de nous 7, sur la façon de tirer le meilleur parti de son coup
de pagaie dans ce genre de conditions de navigation.
Un gros grain que nous voyions sur notre gauche s’avancer sur nous a
brusquement fait virer le vent au NO, ce qui nous a fait venir nous
placer parallèlement à l’Ile Milliau pour lui faire face. Au bout de
deux heures trois quarts de navigation, nous débarquions à l’Ile
Molène, bien à l’abri pour un bref pique-nique. Il était midi et demi.
Ce vent de NO de force
5 à 6 nous a fait prendre la décision de profiter du plein pour tenter
de passer de l’autre côté de l’Ile Grande par le chenal sous le pont.
Nous avons ainsi appris qu’en morte eau il ne se remplit pas, et nous
en avons été quittes pour une séance de portage, juste à temps avant
que le grand estran sableux qui sépare Landrellec de l’Ile Grande
n’assèche totalement.
Loquirec : 9h45 5h3/4 de navigation
Morvil : 15h env. 12 milles parcourus
Jeudi 26 août 2004, 841ème jour, Petit Ile d’Er
Coef.45/50 BM : 10h19 ; PM : 16h33
Nous le savions, aujourd’hui devait être la plus longue étape. Et il fallait qu’elle le soit, pour s’approcher raisonnablement de la destination finale.
Mettre à l’eau le plus rapidement possible après la renverse a signifié un portage périlleux parmi les boules de granit, au départ de cette île qui, comme partout dans les îlots de l’Ile Grande, porte de tous les côtés les traces de l’activité passée des carriers.
La houle de NO (force 5) creusait la mer et la précipitait en tous sens à ces pointes rocheuses qui font le spectacle quand on se promène à pied le long du littoral et rendent soudain circonspects les kayakistes, d’autant qu’après la pause bienvenue sur l’Ile des Femmes de Port-Blanc, le passage à la pointe du Château se situait en fin d’une navigation de 6 heures, où l’attention s’émousse.
Passées les pointes de
Trégastel et de Ploumanac’h, une mer plus calme a permis d’avancer sans
faiblir, selon un itinéraire qui se préoccupait de couper, au plus
court, par le Sud de l’Ile Tomé, puis tout droit sur Port Blanc.
Nous avons retrouvé la houle du NO une fois sortis de l’abri de l’Ile
Saint-Gildas, avec pour souci d’atteindre au plus vite, en profitant
toujours de la montante, d’un vent d’Ouest de force 5, et du beau
temps, un passage entre les rochers de la pointe du Château.
Au delà, enfin à l’abri, devant nous la Petite Ile d’Er était à quelques minutes de navigation apaisée.
Morville : 11h15 6h de navigation
Petite Ile d’Er : 17h15 env. 15 milles parcourus
Vendredi 27 août 2004, 842ème jour, Paimpol – Coz Castel
Coef.56/64 Bm : 11h48 ; PM : 17h52
La Petite Ile d’Er offre le charme d’un espace souligné de tous côtés par des cordons de galets de granit reliant les points rocheux les uns aux autres, rehaussé pour ce qui nous concerne par une belle fin de journée ensoleillée vouée au séchage des affaires, à la promenade à pied sur les grèves et à l’un des feux de bois d’André-Pierre. Bivouaquer dans cette île présente l’inconvénient que le chenal qui la sépare de sa grande sœur au Nord s’assèche vite. C’est donc dès le lever du jour que Jean-Yves a fait le tour des tentes (6 pour 7 personnes, on traîne plus de bagages en kayak qu’à sac à dos), pendant que François, en inamovible cuisinier auto-désigné, préparait un hâtif petit-déjeuner. Evitant un portage impossible, c’est ainsi qu’à
8 h 30 nous étions déjà sur l’eau.
En cette partie du
monde, la descendante porte, avec la gouttière du chenal de la Gaîne
comme force prédominante, vers l’extrémité du Sillon de Talbert, que
nous avons atteint bien avant la renverse, au portant, avec un vent
qui, pendant la nuit, était revenu au SO (force 5/6).
Avant la mi-marée, on ne peut en cet endroit que faire le tour des Iles
d’Olonne. Au lieu de poursuivre, par La Moisie, en direction de
l’extrémité Nord de Maudez, nous nous sommes arrêtés à 10h30, une
petite heure pour pique-niquer à l’abri d’un rocher en attendant la
renverse alors que le vent de SO fraîchissait. Un court portage, par
dessus un cordon de galets que la résultante des forces qui s’expriment
en cet endroit a placé en séparation du bassin plat à l’Est du Sillon
de Talbert et de la mer libre au Nord, nous a fait reprendre notre
navigation droit au Sud, à la recherche du passage le plus tôt en eau
entre Maudez et Penn Lann. Nous l’avons trouvé quand l’eau a
suffisamment monté entre les masses d’îlots rocheux qui ferment l’anse
de Pommelin au Nord.
La remontée sur Coz Castel a été une rude bataille face au vent qui
soufflait à force 6 cet après-midi, pour une arrivée à 15h au terme de
la randonnée.
Tout au long de ces 5 journées, les incertitudes météorologiques ont conduit à effectuer des choix de navigation où l’objectif premier a toujours été de passer avant que les conditions n’empirent. Concertés, ils se sont toujours révélés appropriés, au détriment, forcément, d’une visite au plus près du littoral, qu’un temps plus clément aurait sans doute permise.
Petite Ile d’Er : 8h30 6h1/2 de navigation
Coz Castel : 15h00 env.12 milles parcourus
Notre groupe de 7 personnes, conduit à Roscoff par Patrick Bouchard –il y aurait eu place pour une 8ème personne dans le minibus tractant la remorque portant les 7 kayaks et toutes les affaires à emporter-, était constitué d’Yves Guilbaud, François Lagrange, Jean-Yves Leven et Louis Le Bégat, pratiquants à l’année au CNT, auxquels sont venus se joindre André-Pierre De Crann, Odile Fenard et Roger Le Brech.
Pour rallier Roscoff à Coz Castel, des mises à l’eau aux débarquements, la somme cumulée des temps de navigation atteint 22 h 30, en y incluant les pauses, le plus souvent brèves, et les portages en cours de navigation, pour une distance parcourue d’environ 55 milles.
[GL] [SS]